L'affaire Tekiano: la censure 2.0 ... "Bi kolli hazm"


L'article "African Manager, Businessnews, Leaders… Ghaltouni!" publié aujourd'hui sur Tekiano vient d’être retiré par IMG ( la société éditrice de Tekiano et Webmanagercenter) peu de temps après sa publication. L'article présente, à travers des faits et des preuves, la complicité qu'avaient les médias cités avec le pouvoir de Ben Ali et leur "virage à 180 degrés" après le 14 janvier.
Même si quelques uns pensent que ce genre d'articles "relève de la chasse aux sorcières dont on a pas besoin", il s'agit bien d'un grand pas vers la rupture avec l’hypocrisie nationale. Mais malheureusement, le retrait de cet article par le patron de IMG nous donne un aperçu sur les nouvelles formes de censure auxquelles nous auront droit.


L’intégralité de l'article "censuré" signé par Oualid Chine :


African Manager, Businessnews, Leaders… Ghaltouni!

African Manager, Businessnews, Leaders, autant de journaux électroniques qui ont effectué un virage à 180 degrés. Les uns et les autres brûlent ce qu’ils ont adoré. Il ne manquerait plus qu’ils ne crient «Ghaltouni» comme l’a fait Ben Ali !

Taoufik Habaieb, le responsable de Leaders.com.tn, n’est pas le premier communicateur venu. Il s’agit de l’un des plus importants propagandistes de l’ancien régime. Ne craignant pas le ridicule, il écrira sur les colonnes de ‘‘La Presse’’: «Le plébiscite issu des urnes devra aussi sceller cette coalition qui s’ébranlera immédiatement d’un seul pas, en front large, solide et uni, autour du Président Ben Ali, pour concrétiser le programme 2009-2014 et relever tous les défis». Le lecteur appréciera la langue de bois digne des cellules du RCD des bas quartiers. Sa boîte diffusera accessoirement les communiqués de presse des sociétés «Trabelsifiées» comme Carthage Cement, et la Banque de Tunisie. PR Factory, son agence dédiée aux relations publiques, harcèlera les journalistes par sms interposés, pour les inciter à couvrir les «fêtes» du village électoral organisé pour soutenir Zaba en 2009.

Taoufik Habaieb est également le fondateur de TH Com, «une boîte de communication réputée pour ses créations de marques à succès (parmi lesquelles Business News d’ailleurs) et slogans valorisants» rappelle Nizar Bahloul. Et le 4 octobre 2010, pour fêter son nouveau look, le journal en ligne Businessnews.com.tn (dans lequel Taoufik Habaieb était actionnaire avant de se retirer pour créer son propre site Leaders.com), profitera de l’occasion pour faire l’éloge appuyé de Ben Ali. Dans une chronique intitulée "Business News : changement dans la continuité" (ironie du sort?), il met ainsi en scène une «discussion à bâtons rompus, qui a eu lieu il y a quelques mois, avec un investisseur toulousain».

Les promesses de Zaba

Nizar Bahloul, le rédacteur en chef et premier responsable de Businessnews s’exclame : «Vous voulez savoir où va la Tunisie dans les prochaines années? Lisez le programme présidentiel». Pour ceux qui ont encore quelques doutes, M. Bahloul martèle: «Revenez aux anciennes promesses électorales de Ben Ali et vous allez constater de vous-mêmes qu’elles ont toutes été respectées». On a bien du mal à imaginer que déclamer une ode à Zaba dans un tel contexte, celui de l’annonce d’une nouvelle charte graphique, soit le résultat de pression d’Abdelwahab Abdallah. A moins qu’il ne s’agisse de devancer les désirs du maître.

Deux semaines avant la chute du dictateur, le même Businessnews a réussi la prouesse, en élisant les hommes d’affaires de l’année 2010, d’aligner en ronds d'oignon les noms des proches de Ben Ali. Inutile de vous dire que la sélection a été dure à établir…

Le journal en ligne African Manager, dirigé par Khaled Boumiza, sera l’un des premiers sur la place à vanter les success stories du clan Trabelsi. Des portraits de mafieux comme Imed Trabelsi en homme d’affaires respectable ont ainsi été publiés sur ce site qui a fait la part belle à la «familia». Mais visiblement, la base de données du journal a été nettoyée au Karcher, histoire d’effacer les traces trop compromettantes. La Révolution est aussi passée par là. Les uns effacent leurs articles. Les autres dégaineront leur mea culpa. Les uns et les autres brûlent ce qu’ils ont adoré.

Les retournements de vestes sont aussi rapides que les anciens applaudissements appuyés. Il ne manquerait plus qu’ils nous fassent le coup de Ben Ali dans son dernier discours : «Ghaltouni» ! Reste à savoir qui a trompé qui ? Ben Ali ses thuriféraires ou le contraire? Etant admis que ce sont nos citoyens, qui, finalement, ont trinqué. Mais les Tunisiens, visiblement, ne s'en laisseront plus conter.

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